“Is it Oochie Wally or One Mic” lançait Jay Z à son rival Nas dans une célèbre réplique pour souligner les contradictions et les paradoxes de celui-ci. On pourrait également formuler la même interrogation au Président de la République, Macky Sall.
Que retiendra-t-on de lui ?
Le dirigeant africain perçu comme un modèle de démocrate par plusieurs de ses pairs occidentaux, qui lui déroulent le tapis rouge, ou le “dictateur” décrié par l’ensemble de l’opposition et de la société civile ?
L’homme aux discours souvent pertinents et courageux sur la scène internationale ou le dirigeant qui fait rire le monde entier en évoquant les “pains aux chocolats” que l’ex puissance coloniale offrait aux tirailleurs ?
L’homme qui s’attaque avec constance et non sans raison aux méfaits des réseaux sociaux, ou celui qui s’affiche avec le pire de ce que ces plateformes peuvent produire ?
Ces quelques exemples resteront gravés dans les mémoires des Sénégalais à l’heure de tirer le bilan des années Macky Sall. Beaucoup garderont un goût d’inachevé d’un leader qui aurait pu être un homme d’État remarquable mais qui, par calcul politicien, par goût de la facilité, et aussi par manque de courage et par conformisme à la sénégalaise, a comme son prédécesseur, Abdoulaye Wade, beaucoup contribué à la déliquescence politique et au rapetissement des principes républicains.
En dehors de ses réussites indéniables sur le plan des infrastructures, ces douze dernières années laissent l’impression désagréable d’un glissement encore plus prononcé vers la médiocrité et la promotion de contre-valeurs. Pour l’homme qui avait mené campagne, entre autres, sur le thème de la “gouvernance sobre et vertueuse”, ça la fout mal.
Opposition sans tête qui dépasse
La Présidentielle de 2024 s’apparente à un rendez-vous manqué. Le duel auquel tout le monde s’attendait entre Macky Sall-Ousmane Sonko n’aura pas lieu, sauf retournement de situation spectaculaire. Le premier nommé a renoncé “à la candidature dont il avait droit”, selon ses propres termes, alors que M. Sonko est contrarié par une cascade d’affaires judiciaires. Mais alors que le pouvoir a trouvé un candidat de substitution – qui peine disons le à poser sa griffe personnelle- l’opposition est désemparée.
Parmi les 200 candidats qui défient Amadou Bâ, véritable homme à battre, aucune personnalité n’émerge. On ne voit pas le Abdoulaye Wade de 2000 ou le Macky Sall de 2012.
Khalifa Sall se démène tant bien que mal sur le terrain, distille des discours raisonnables et modérés. Il a incontestablement les qualités pour incarner la fonction, mais sa participation au dialogue politique, la rupture entre son mouvement Taxawu Sénégal et la coalition Yewwi Askan Wi, l’ont rendu suspect à une frange de l’électorat qui ne semble pas lui pardonner ses poignées de main avec le Président, Macky Sall.
On n’évoquera pas Karim Wade dont le retour au Sénégal prend l’air d’une arlésienne.
Abdourahmane Diouf, Thierno Alassane Sall, Pape Djibril Fall, Babacar Diop, récitent bien leurs gammes mais peinent à électriser la grande masse d’électeurs.
Malick Gackou et Déthié Fall tentent d’occuper l’espace laissé par Ousmane Sonko dans Yewwi Askan Wi et multiplient les gestes de loyauté envers ce dernier, sans en récolter les dividendes.
En résumé, il y a beaucoup d’opposants, des personnalités aux sensibilités différentes, mais aucune tête ne dépasse dans le lot.
Une situation pour le moins intrigante et qui présage d’une élection présidentielle à l’issue très incertaine.