Depuis 1962 avec la crise du Bicéphalisme, le Sénégal ne s’est jamais retrouvé dans une situation aussi délicate. Le climat politique rappelle à bien des égards celui des années senghoriennes : arrestations tous azimuts des intellectuels, des politiciens, des journalistes, des activistes et j’en passe. C’est le retour de la politique de la répression. Il est vrai, le Président Sall annonçait déjà la couleur dès le début de son mandat en promettant de réduire l’opposition à sa plus simple expression…
Mais, qui aurait pu croire ? Personne n’imaginait que le pays se retrouverait dans une situation aussi complexe à la vieille d’une élection présidentielle. Nul ne peut dire avec exactitude qui et qui vont compétir. Aucun parti n’est
rassuré à cent pour cent. Aucun candidat n’est sûr de sa participation. C’est inédit. Même au sein du camp du président, les dés ne sont pas encore pipés. On est dans une sorte de spéculation politique inadmissible. Ce qui fait que même avec des milliards, le futur candidat de Benno ne peut battre compagne normalement et avec efficacité.
Mais pire encore, au sein de l’opposition c’est le grand cafouillage. Les leaders se tirent dessus et se chamaillent comme dans une armée mexicaine. La haine entre opposants semble être plus grande et plus venimeuse encore. Jusqu’ici, on ne parle pas de programmes ou de Bilans. On est en train de régler des comptes et de se justifier par rapport à ceci ou cela. Même pendant le règne du parti unique (1962-1976) ou durant le multipartisme limité (jusqu’aux années 80), le Sénégal n’a jamais souffert d’un « vide politique » aussi cruel. Mais à qui la faute ?
Le Président Macky Sall avait déclaré que sa non-participation est conditionnelle (si l’on se réfère aux différentes analyses). En d’autres termes, si toutefois le climat social et politique n’est pas apaisé, il n’y aura pas de possibilités (techniquement parlant) pour organiser des élections. Mais à qui profite tout cela ?
Il est vrai que la vie politique, au Sénégal, s’est construite avec les crises. En 1962, l’Affaire Dia fut un prétexte pour imposer le parti unique. En 1976, après l’ « assassinat de Blondin Diop en 1973» par l’Etat du Sénégal, le gouvernent crée les conditions d’un multipartisme limité pour décanter la situation politique du pays. On pourrait citer le dossier casamançais après la démission de Senghor, la tentative d’assassinat du Président en 1967, l’affaire Me Sèye etc… Tout cela a eu des conséquences directes sur la vie politique du Sénégal.
Aujourd’hui, le cas Ousmane Sonko pourrait impacter considérablement l’avenir du pays. Même s’il est finalement incarcéré après moult tentatives, ses partisans n’ont pas encore dit leur dernier mot (d’autant plus que l’homme en question s’engage dans une grève de la faim qui pourrait avoir des conséquences désastreuses sur sa vie). Ce problème réveille également de vieilles blessures comme le conflit casamançais, la stigmatisation des sudistes entre autre.
En somme, organiser des élections durant cette période aussi trouble qu’incertaine est un vrai risque pour le Sénégal. D’ailleurs, les autorités elles-mêmes, nous parlent jour et nuit de présences occultes, terroristes (et que sais-je encore) sur le territoire national. Comment l’Etat du Sénégal va s’organiser pour sécuriser l’intérieur du pays face aux différentes menaces réelles (contre des personnes et leurs biens) et protéger également nos frontières (qui sont tellement poreuses) contre d’éventuelles intrusions ? En cas de guerre contre le Niger, l’Etat peut-il s’engager financièrement pour organiser des élections ? Bref, il y a trop de questions qui nous taraudent dans ce Sénégal aux lendemains incertains…
Dr Kante Malao
Philosophe/Sociologue